Le sursaut des sels d’argent.
- latelierdejp
- 16 avr. 2023
- 3 min de lecture
Cela ne vous échappe pas, le matériel photographique argentique subit un large regain d’intérêt depuis au moins trois ans.
Si cet attrait intéresse surtout la génération Y, celle qui a encore connu l’argentique, elle intrigue la génération Z (celle d’après les années 2000) qui n’a pas connu ces appareils ni ces techniques.

Pourquoi ce regain ?
Nous pourrions penser a un effet « post-covid », où les photographes « à l’ancienne » se découvraient plus de temps et l’envie de re découvrir des techniques autrefois maitrisées, pour lesquels ils avaient encore – parfois en tout ou partie – du matériel utilisable : appareil photo, matériel de développement, de labo, …
Cela a sans doute joué, mais pour la génération des plus jeunes, il s’agit clairement d’une forme de rejet, peut-être même inconscient, des techniques trop parfaites, trop surfaites, trop manipulées ou manipulables (phénomène des AI).
Ne soyons pas naïfs, les manipulations existaient aussi au temps de l’argentique (rappelons-nous les photos d’officiels disparaissant au gré des coups d’états sur les photos « historiques »). Toutefois, déposer son film, ou le développer soi-même, apporte toujours cette magie de l’image qui se révèle et la certitude, à ce moment précis, que cette image est la traduction intacte d’une vision, qui peut être toute personnelle.
Une autre raison pourrait être évoquée, celle de pouvoir « réellement » partager un moment de vie.
Fuji l’a très bien compris et c’est une des raisons qui fait cartonner les films Instax : nos plus jeunes découvrent les joies de la photo instantanée, que l’on partage « en vrai », physiquement, qui reste en souvenir tangible d’un moment de « communion » entre ami(e)s.
C’est ce qui a expliqué, un moment, le retour en grâce des vieux Polaroid. Cependant, la gourmandise et/ou la radinerie de la marque (dont tout le monde connait maintenant la saga) font que même les plus assidus se posent des questions : 8 vues au lieu des 10 d’antan, un prix qui frôle voire dépasse les 2€ la vue, ça fait réfléchir !
D’autant que la qualité des films plus modernes, Instax ou Zink, distance réellement celle des Pola. De même, les appareils d’aujourd’hui proposent des solutions bien plus intéressantes/utiles que celles des ancêtres de l’instantané.
Autre indice sérieux de l’intérêt renouvelé pour l’argentique : le prix des vieux appareils, qui ne cesse de monter, parfois – souvent – au delà de tout réalisme.
J’en fais souvent l’écho dans les articles que je vous soumets, horrifié de voir aujourd’hui que des appareils vendus hier entre 10 et 15€ atteignent voire dépassent les 100€.
Cela concerne tant de vieux reflex, que des télémétriques, que les compacts des années nonante, et, dans un autre mesure, les moyens formats.
Autrefois dédaignés, délaissés, tout ce qui touche aux sels d’argent semble se muer en valeur or !
Enfin, un troisième signe, pourtant tout à fait improbable il y a encore moins de deux ans, des marques historiques nous ressortent, ou sont sur le point de le faire, des appareils neufs mais avec film.
Oublions peut-être Leica et son « new » M6 au prix stratosphérique mais Pentax, un autre vieux de l’histoire photographique, semble sur le point de nous ressortir un « tout mécanique » à prix capable de rivaliser avec ce qui se vend aujourd’hui, en occasion.
Effet de mode, baroud d’honneur ? La question reste en suspend car elle implique quand même quelques questions. A moins d’avoir gardé dans leurs cartons à archives des plans réutilisables (des modèles de dernière génération qui ne seraient pas sortis à cause de la déferlante du numérique), on s’imagine mal les services RD (recherche et développement) se lancer à grands frais dans cette aventure.
D’autant que ces firmes, et les autres aussi d’ailleurs, n’ont plus le personnel ayant les connaissances de ces appareils. A moins de rappeler quelques ingénieurs retraités et encore vaillants ?
Économiquement, tout le monde est d’accord, ce n’est pas réaliste.
Et pourtant … nous aimerions y croire : posséder un appareil argentique, garanti, à un prix abordable, utilisant – ironie de l’histoire – les optiques des numériques pour ne pas devoir se refaire une sacoche de cailloux onéreux, ce serait comme un rêve devenu réalité …
Une autre piste serait peut-être que des labo puissent de nouveau assurer la réparation, l’entretien de ces anciens appareils, sachant pertinemment que le stock de pièces diminue et/ou se fait rare. Il y aurait quelques essais, mais encore bien isolés.
En attendant, modestement, ce site continue à vous proposer de (re)découvrir des appareils d’autrefois, surtout ceux que l’on peut encore utiliser sans trop de complications (on trouve encore des objectifs, des accessoires), en gardant en mémoire qu’ils sont toujours susceptibles, un jour, de ne plus fonctionner, sans trop d’espoir.
Mais tant qu’ils nous délivrent les images qu’ils sont capables de faire, profitons-en, presque deux siècles d’histoire photographique, ça laisse un parc suffisant et des moments de bonheur.
Comentarios