Le Canon T80
- latelierdejp
- 16 mai 2024
- 10 min de lecture
Recherche rapide : – – – – – – Des références.
Préambule.
Vous connaissez mon attachement à la marque Canon.
Aujourd’hui, je vais m’attaquer à un appareil qui jouit, une fois n’est pas coutume, d’une (très) mauvaise réputation, le Canon T80.
Oui, oui, je sais, il y en eu d’autres, ne remuons pas le couteau dans la plaie …
Pourtant, cet appareil devait marquer l’entrée de la marque dans le futur, celui de l’autofocus sur un reflex.

Mais en l’occurrence, Canon l’a reconnu lui-même, la marque a raté le coche.
Quelques explications … historiques.
En mars 1982, Canon proposait le AL-1, un appareil qui utilisait la monture FD et fonctionnait comme ses frères, le AE-1 et le A-1, en automatique, semi-auto et manuel.
Un bosselage sur le côté droit assurait une bonne prise en mains et surtout contenait les deux piles AA qui assurait son fonctionnement.
Mais sa particularité c’était son système d’aide à la mise au point, le « Quick Focus ».
Attention, ce n’est pas encore un système d’autofocus mais un système d’aide à la mise au point : une diode verte s’allume si celle-ci est correcte et deux autres diodes, rouges, indiquent la correction à apporter. La diode en forme de flèche indique même dans quel sens tourner l’objectif !
Le principe technique de cette assistance fait appel à un miroir principal transparent, donc une partie de la lumière qui le traverse est reflétée par un second miroir, caché derrière le principal, vers trois capteurs CCD. Un micro-ordinateur mesure le contraste sur les capteurs et après calcul donne des instructions aux diodes d’indication. C’est le principe d’un télémétrique électronique.
Simple quoique sophistiqué, fiable, le principe était bon. Cependant le modèle n’a pas connu un franc succès. C’est souvent le cas pour des modèles précurseurs : plus vraiment comme les anciens et pas encore révolutionnaire.
Pourquoi parler de révolution ? Parce que depuis quelques temps des bruits de plus en plus concrets parlent d’un système qui aiderait les photographes à faire la mise au point sans faillir. Un drôle de nom circule, « l’autofocus ».
Mais encore un peu de patience …
Ça et là des tentatives sont faites pour y arriver, les plus abouties se concentraient sur un système glissé dans l’objectif lui-même, comme le AF-Nikkor 80 mm f/4,5 (1971), le Pentax AF Zoom 35-70mm f/2.8 (1981) mais la révolution ultime, se sera le Minolta 7000 AF (1987) qui associait un boitier et un objectif compatible pour assurer un système d’autofocus complet.
Canon entend garder sa monture FD, sortie en 1971, pour son autofocus maison. Il va toutefois la modifier pour qu’elle accepte les « instructions » électriques venant du boitier. Ainsi nait la monture FD AC, avec des contacts électriques.
Au delà de cette avancée technologique, Canon voulait aussi renouveler sa gamme de réflex qui, depuis le début des années septante, avaient gardé un « look » assez uniforme.
La gamme s’appelle désormais T et elle succède aux A et F, plus « classiques ».
Dès que vous voyez un de ces boitiers, vous aurez tendance, si vous avez plus de 40 ans, à le positionner dans les années quatre-vingt sans trop chercher : carré, en plastique, avec des embryons d’ergonomie, tout motorisé … et en plus, c’est marqué dessus !
Elle se décline en T50 (entrée de gamme), T70, T80 (avec autofocus donc) et T90, qui revient aux automatismes « classiques » tout en étant l’appareil le plus sophistiqué du moment (mais que son électronique trahit souvent). Un ultime T60, fabriqué par Cosina (?) fera son apparition en 1991, mais c’est une autre erreur !
Ensuite, Canon dévoilera ses Eos (1987) et la monture EF qui seront, eux, vraiment révolutionnaires et qui ne quittent, lentement, la scène que devant les hybrides actuels. Nous pourrions alors écrire que la gamme T sera une gamme de « transition ».
Découvrons le T80.
C’est donc le premier reflex Canon a être tout automatisé et qui bénéficie d’un objectif avec mise au point entièrement automatique. L’ensemble est cohérent et, à son époque, il dut être très attirant. La publicité fera le reste …

Comme je l’écrivais plus avant, le T80 gardait la monture FD, modifiée (FD AC) et lors de son lancement, il sera accompagné de 3 objectifs spécifiques : l’AC 50 mm f1,8, l’AC 35-70 mm f3,5-4,5 monté sur cet appareil et l’AC 75-200mm f4.5.
Cette monture combine la difficulté de garder des commandes mécaniques et d’intégrer un moteur commandé électriquement (la protubérance sur le côté). Le moteur est alimenté par les 4 piles AAA du boitier.
Petite digression : lors du lancement du système EOS et de la monture EF, Canon abandonnait tout contact mécanique pour que les instructions données par le boitier soient électriques (plus rapides et sans conflits éventuels). Mais ce changement radical imposait aux utilisateurs de changer tout leur matériel !
Esthétiquement, il rompait avec les séries précédentes de par sa forme, les matériaux de construction, l’abandon de commandes manuelles, l’ajout de boutons et autres curseurs, et d’écrans LCD.
Finies aussi les molettes de réglages, celle pour rembobiner, le levier d’armement. Finalement, seul le bouton de déclencheur restait à sa place, mais il était dorénavant électrique.
Ce qui frappe le plus, c’est cet écran LCD, derrière le déclencheur.
Et son côté « tout plastique » (en fait du matériau composite) qui, s’il fait moins « costaud » que ses ancêtres, offre une bonne tenue en mains, notamment grâce au grip formé par le bossage qui contient les piles et un repose-pouce judicieusement placé à l’arrière.
Remarquez, si vous devez vous en servir dehors, lorsqu’il fait (très) froid, vous apprécierez qu’il ne soit pas en métal. Tout comme lorsque vous devrez le porter autour du coup lors d’une longue balade, il est beaucoup plus léger.
Avant de voir les commandes, l’autre point d’achoppement, lorsqu’on regarde leT80, c’est son objectif, avec cette grosse bosse sur le côté, qui déséquilibre l’harmonie de la silhouette globale. Nous sommes loin des micro-moteurs actuels.

De fait, les ingénieurs de chez Canon ont pris la capacité d’assistance à la mise au point intégrée au AL-1, puis ils ont fabriqué un objectif à mise au point automatique spécial doté d’un moteur intégré à l’objectif : c’est le moteur qui ferait la mise au point et non plus le photographe. Exit donc la bague de mise au point (elle existe toujours mais elle est bien cachée).
Le moteur reçoit ses instructions du boitier via des contacts électriques sur le pourtour de la baïonnette et de l’objectif. Exit donc aussi la bague d’ouverture puisque c’est le T80 qui décide.
Si la monture reste compatible avec les objectifs FD anciens, c’est clairement pour ne pas perdre une clientèle fidèle depuis près de 25 ans à ses objectifs. Vous pouvez d’ailleurs les utiliser sur le T80 mais avec la mise au point manuelle. Tout comme vous auriez pu monter un FD-AC sur n’importe quel boitier à monture FD, toujours en manuel.
Ce n’est que sur le T80 que vous retrouviez tous les automatismes du mariage boitier – lentille FD-AC.
Sur l’objectif, il y a trois commandes immédiatement accessibles : prise de vue unique (one shot), prise de vue multiple (servo) et mise au point manuelle (manual).
Puis, un gros curseur pour rapprocher la mise au point si besoin, et sur le côté, un autre curseur qui permet de faire passer l’objectif de la position 35mm à 70mm. Une petite fenêtre, au bout de l’objectif, vous indique la position arrêtée pour la photo.
Et je vous écrivais que la mise au point était toujours possible mais il faut ôter le bouchon spécifique de l’objectif et, avec les doigts glissés entre les deux fentes ainsi libérées, faire tourner la lentille sur la distance vue à travers la vitre. Pas pratique mais faisable.

Venons-en aux commandes.
A l’arrière, l’interrupteur principal offre trois positions : fermé (L), ouvert (A) et retardateur (symbole). Sur l’écran LCD vous verrez apparaître ceci :

Vous voilà prêt pour commencer à l’utiliser. Notez que je vous renvoie au mode d’emploi (voir dans les données techniques) pour y placer les piles et pour les différentes manœuvres pour charger un film (comme sur un compact d’ailleurs).
Lorsque vous portez l’appareil à votre œil, vous serez surpris de constater que le viseur est très clair mais très … vide. Hormis un centre divisé en 4 parties, il n’y a rien.
Enfin si, quatre voyants qui indiquent si vous êtes en mode manuel (M), en mode programme (P), une espèce de petit diamant qui donne une indication de mode et le symbole du flash si vous en avez connecté un et qu’il est prêt à être utilisé.
Attention, il faut absolument mettre un film dans l’appareil pour voir apparaître ces éléments et faire fonctionner correctement les commandes.
Il est muni de plusieurs programmes adaptant la réponse de l’automatisme au genre de scène à photographier :
Standard : programme « passe-partout » privilégiant un peu l’accroissement de vitesse.
Stop action : vitesse très rapide pour figer le mouvement mais ouverture maximum limitée à f2 (assez étrange dans la mesure où l’objectif standard vendu avec l’appareil, le zoom 35-70 AF, n’ouvre qu’à f3.5).
Grande profondeur de champ : ouverture entre f8 et f11.
Faible profondeur de champ : même paramètres que le « stop action ».
Fond filé : vitesse choisie par le photographe entre 1/15s et 1/125s. Réglage par défaut sur 1/30s.
Ces programmes sont à sélectionner sur l’écran LCD grâce à des pictogrammes.
Puisque le T80 est tout automatique, il se dispense de vous indiquer la vitesse ou l’ouverture qu’il a choisies. Si un P apparait dans le viseur, à droite, c’est que c’est bon et vous pouvez déclencher.
Vous devez vous rappeler à ce moment du récit que les années quatre-vingt voient de plus en plus de photographes amateurs migrer vers des compacts efficaces, les « point and shot » (viser et déclencher) qui offrent l’avantage de la simplicité d’utilisation grâce à leurs automatismes. Les Canon de la gamme T veulent ramener aux reflex ces consommateurs égarés.
La simplicité du T50, du T70 rencontre leurs attentes alors que le T80 les comble puisqu’il ajoute la mise au point toute automatique !
Néanmoins, cette mise au point automatique ne pouvait se faire qu’avec les trois objectifs cités (l’AC 50 mm f/1.8, l’AC 35-70 mm f/3.5-4.5 et l’AC 75-200 mm f/4.5), qui sont devenus très rares de nos jours.
De fait, le T80 est équipé d’un microprocesseur qui contrôle les fonctions d’exposition et de mise au point. Le système de mise au point analyse une partie de la lumière qui traverse le miroir semi transparent grâce à 3 capteurs CCD situés dans le fond de la chambre reflex. Le signal est ensuite envoyé au microprocesseur qui calcule la distance de mise au point et transmet l’information au micro-moteur chargé de faire la mise au point de l’objectif. Lorsque il fait grand soleil, pas (trop) de soucis, ça fonctionne très bien, mais lorsque la lumière commence à faire défaut, l’autofocus patine et il essaie désespérément de trouver un contraste suffisant que pour s’y accrocher.

Ceci dit, l’objectif, basé sur une formule éprouvée d’objectif FD, n’est pas mauvais mais son association avec l’autofocus ne permet pas souvent de s’en rendre compte.
En résumé, l’autofocus n’était vraiment pas au point, en tout cas loin des performances du Minolta 7000 AF sorti lui aussi en 1985.
Lancé en avril 1985, le Canon T80 ne vécu qu’une année. Il sera remplacé dès 1987 par le séduisant Eos 650, le premier des Eos. Mais c’est une autre histoire …
Deux flashs dédiés, les Speedlite 244-T et 277-T viennent compléter le T80.
Que penser de cet appareil ?
Celui que j’ai trouvé sur une brocante fonctionne parfaitement. Il m’a suffit de remettre 4 piles AAA pour que tout s’anime.
Pas trop besoin non plus d’explications pour l’utiliser, les pictogrammes sont efficaces et les commandes pas trop éloignées de ce que l’on connait finalement.
Reste que, de fait, lorsque la lumière se fait plus rare, l’autofocus a tendance à chercher, chercher … sans toujours trouver un point lui permettant de le faire.
A réserver aux vacances au soleil, pourquoi pas ?
Avec son look assez typé, il est agréable à porter et à utiliser mais semble « un peu à part » dans les lignées des Canons que l’on connait et que l’on aime : plus moderne que les classiques tout métal mais déjà dépassé par la ligne des Eos.
Bref, un appareil qui fait partie de l’histoire mais sans l’avoir fait trembler.
Comme il ne fut produit qu’une petite année, il est assez rare mais sa réputation ne le place pas parmi les appareils vraiment recherchés, sauf par un collectionneur attentif.
Si vous en trouvez un, impérativement avec un objectif dédié (FD-AC), tentez-le, il vous intriguera et pourrait même vous charmer. Ne dépensez pas plus de 30€ pour un exemplaire en très bon état.
Et lancez-vous dans l’aventure des débuts de l’autofocus !
Videos d’illustration
Les données techniques.
Appareil photo reflex AF à obturateur à plan focal de 35 mm avec monteur intégré et AE multimode
Taille de l’image 24 x 36 mm
Objectif de dotation FD 35-70 mm f/3,5-4,5, et autres monture d’objectif FD (avec capacité de transmission de signal CA)
Système AF CCD pour la détection de mise au point TTL avec objectifs AC dédiés. Modes AF One Shot et AF continu fournis. L’AF se verrouille pendant la prise de vue en continu. Plage de détection AF à 100 ISO et f/1,8 : EV 4 – 18.
Obturateur électronique à déplacement vertical et plan focal. Avec AE multi-programmes et ouverture prédéfinie AE : 2, 1, 1/2, 1/4, 1/8, 1/15, 1/30, 1/60, 1/125, 1/250, 1/500, 1/1000 s. Pour manuel : B et 1/60 sec. Synchronisation X à 1/90 sec. (chaussure chaude). Retardateur électronique intégré (avec bip et écran LCD pour indiquer le compte à rebours).
Viseur à pentaprisme fixe au niveau des yeux. Grossissement 0,83x, couverture verticale de 92 %, couverture horizontale de 93 %. Laser mat avec télémètre à prisme croisé.
Dans le viseur : informations via quatre LED et éclairage. Exposition correcte, et en mode programme : exposition correcte, avertissement de bougé de l’appareil photo, manuel et avertissements. Compteur de vue et contrôle d’exposition SPC pour la mesure TTL à pleine ouverture (moyenne pondérée centrale) avec AE multi-programmes et ouverture prédéfinie TTL. Mode de prise de vue sélectionné avec pictogramme sur l’écran LCD externe. Plage de compensation d’exposition de 1,5 EV. Plage de mesure à 100 ISO et f/1,4 : EV 1 – 19. Plage de sensibilité du film de 12 ISO à 1 600.
Ecran LCD externe : Affichage du programme, pictogrammes, sensibilité du film, transport du film, vérification de la batterie, compteur d’images et autres indications.
Source d’alimentation par quatre piles AAA de 1,5 V
Chargement des films et avance après avoir aligné l’amorce du film sur la marque, fermez l’arrière de l’appareil photo pour le chargement automatique. Avance automatique du film avec moteur intégré. Prise de vue en continu à 0,7 images par seconde.
Rembobinage du film avec le moteur intégré.
Dimensions et poids : 141 x 102 x 55 mm, 555 g
Des références.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canon_T80, https://www.collection-appareils.fr/x/html/page_standard.php?id_appareil=10518, https://www.singe-urbain.com/pub-canon-t80/, en français ; https://global.canon/en/c-museum/product/film115.html, https://www.canonclassics.com/canon-t80/20-17/, https://mikeeckman.com/2020/06/canon-t80-1985/, https://casualphotophile.com/2019/01/21/canon-t80-review/, https://www.vintagecamerareviews.com/brands/canon/canon-t80/, https://www.the3rs.uk/canon-t80-and-ac-50mm-review-canons-auto-focus-pictograph-dream/, http://www.jollinger.com/photo/cam-coll/cameras/Canon_T80.html, https://soperfectimages.co.uk/reviews/canon-t80/, https://www.mir.com.my/rb/photography/companies/canon/fdresources/SLRs/canont80/index1.htm, https://www.mir.com.my/rb/photography/companies/canon/fdresources/SLRs/canont80/index.htm, https://www.bhphotovideo.com/explora/photography/features/canon-t-series-cameras-the-bridge-to-contemporary, en anglais
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